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Le général Jacquin dirige la wilaya 5

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Le général Jacquin dirige la wilaya 5 Empty Le général Jacquin dirige la wilaya 5

Message par lalileche Dim 6 Sep - 10:39

Le général Jacquin dirige la wilaya 5


MALGRÉ les plaintes perpétuelles des chefs des maquis contre la coupable carence de l'extérieur, le G.P.R.A. ne s'inquiète guère.

Le G.P.R.A. et le commandant de l'Armée de libération nationale ont des préoccupations à la fois plus urgentes et plus lointaines.

Le triumvirat Krim Belkacem- Ben Tobbal -Boussouf est en difficulté avec le président Nasser qui menace de couper les vivres au F.L.N. si les maquis ne se montrent pas plus agissants.

Enfin, et surtout, on discute beaucoup des propositions du général de Gaulle et on s'oppose sur la tactique qui permettrait de relancer la négociation dans le camp français sans rien abandonner des exigences essentielles.

Le G.P.R.A. se sent, pour le moins, au centre de la politique maghrébine. Alors, le sort des maquis ...

Pourtant, il a été sensible à une sévère homélie adressée par le conseil de la wilaya 4, le 1er décembre précédent, décrivant sans détours l'usure des maquis et réclamant renforts, armes et munitions. Les termes lui en ont paru si rigoureux que le G.P.R.A. affecte d'y voir l'action maléfique des services de la guerre psychologique d'Alger. C'est pourtant un coup de semonce. A Tripoli, au congrès du Comité national de la révolution algérienne qui s'est terminé fin janvier, beaucoup de délégués ont fait écho aux plaintes des combattants de l'intérieur. Le G.P.R.A. décide, à défaut de renforts, de leur envoyer des chefs: devant les difficultés militaires, tous les gouvernements se ressemblent...

Je suis informé de cette décision par... une artiste - il faut bien que le réseau Jeanson serve à quelque chose - qui se partage entre Tunis et Rabat, dispensant à certains chefs de la rébellion, et non des moindres, ses encouragements en même temps que ses charmes: l'état de rebelle porte à l'amour! Grande, blonde, un teint de rose, des yeux pers aux reflets violets, très belle, enjouée, pas plus farouche qu'il n'est nécessaire, cette jeune danseuse classique possède tout ce qu'il faut pour attirer les confidences. Je me suis réservé - en tout bien tout honneur naturellement - ses contacts à l'escale de Maison-Blanche. Elle m'apprend que les commandants de wilaya qui se tenaient en réserve au Maroc et en Tunisie ont été invités à rejoindre leur commandement, dans les maquis: Hadj Lakhdar dans les Aurèss Nemencha (wilaya 1), Ali Kafi, dans le Nord constantinois (wilaya 2), Lotfi en Oranie (wilaya 5).

Ces informations seront adressées au général de Gaulle le 14 avril 1960.

Il serait regrettable de ne pas exploiter de si précieux renseignements. Dans les opérations, souvent peu conventionnelles, entreprises par mon bureau, avec ou sans l'aide des services de renseignements classiques, j'ai toujours trouvé chez le commandant en chef, le général Challe, une compréhension attentive, et même passionnée. Je lui expose mon plan: intercepter l'un ou l'autre des chefs de wilaya au passage de la frontière et se substituer à lui dans le commandement de ses unités. Sans hésitation, le général Challe accepte. Comme nous apprenons que Lotfi, pour rejoindre sa wilaya, passera par le sud de Colomb-Béchar, c'est sur lui que se montera l'affaire.

La wilaya 5, la plus vaste d'Algérie, s'étend des confins algéro-marocains, au sud, à la Méditerranée, au nord, et de Marnia, la patrie de Ben Bella, à l'ouest, aux monts de l'Ouarsenis, à l'est. Son premier chef a été Ben M'Hidi. Son successeur, Boussouf, d'une famille communisante de Mila, dans le Constantinois, s'installe lui aussi à Nador sous la protection du commandant Alonso, du S.R. espagnol, qui lui procure gîtes, subsides et armes. C'est Houari Boumediene qui lui succède. Après un stage en Égypte et un séjour en Tunisie, où il présidera sans faiblesse le tribunal qui jugera les colonels "comploteurs" de la base de l'Est, Boumediene retourne au Maroc avec le titre de chef d'état-major du commandement militaire de l'Ouest et autorité sur les wilayas 4, 5 et 6. Boumediene confie la wilaya 5 à Dghine Ben Ali, alias Lotfi, son ancien adjoint. Jeune, vingt-six ans environ, teint clair, fine moustache, yeux bleus, front dégagé, portant lunettes, l'air d'un intellectuel, Lotfi, fils d'un ancien chaouch devenu menuisier à Oujda, est originaire de Tlemcen où il a fait ses études au lycée franco-musulman. Ayant très tôt rejoint la rébellion, il a effectué en Espagne une mission baptisée "Mustapha" pour se procurer des armes; mission qui, sur intervention des services français, s'est terminée dans les geôles espagnoles. Ses relations avec les Marocains sont tendues: il reproche à ceux-ci leurs prétentions territoriales sur la région de Colomb Béchar. La vie de la wilaya 5 au Maroc - ses chefs, ses cantonnements, ses difficultés, ses effectifs, son armement - n'a guère de secrets pour nous : un légionnaire " déserteur" vient de rejoindre nos rangs après trois années de "service" dans la wilaya, au Maroc et dans le djebel Amour.

Notre plan est d'une extrême simplicité, mais tout est dans l'exécution. Nous laisserons Lodi et son escorte pénétrer en territoire français assez profondément pour que son interception reste aussi longtemps que possible ignorée de l'autre côté de la frontière. Bien que peu peuplé, le Sahara est un tambour de sable et de pierraille répercutant étrangement les plus minces événements. Comment un combat pourra-t-il y passer inaperçu? Car il y aura combat. Je n'imagine pas Lotfi et ses hommes déposant leurs armes, sans résistance, à la première sommation. Il faut même qu'ils se battent jusqu'au dernier: pas de prisonniers, le secret doit être total. Il n'est pas de tombeau plus hermétique que le désert, les vautours le jour, les chacals la nuit et surtout l'implacable soleil nettoieront parfaitement le champ de bataille. L'adversaire conserve une chance celle de se heurter, à l'improviste, avant l'embuscade qui l'attend, à une patrouille des forces de l'Ouest saharien où personne ne sera prévenu. C'est un risque à courir. Sans qu'il s'en doute, la vie de Lotfi se joue à la roulette russe ... mais il y a cinq balles sur six dans le barillet. L'interception sera conduite par une compagnie portée de légion étrangère, préalertée en temps opportun.

Lotfi retarde un peu son départ. Il doit en effet régler au préalable l'affaire Zoubir. Lotfi rejoint enfin la base installée par le F.L.N. à Bou-Denib. C'est dans cette oasis du Maroc présaharien que se forment les convois légers qui contournent ensuite largement Colomb-Béchar par le sud en s'infiltrant dans la vallée du Ghir. C'est un long trajet: les points d'eau sont assez rares et espacés. Mais il est infiniment moins dangereux que le franchissement du barrage qui développe, de la Méditerrranée aux abords de Béchar, ses 500 kilomètres de barbelés, ses champs de mines, par endroits sa haie électrifiée, ses radars, et où la "herse" est vigilante.

Outre le commandant de wilaya, le convoi se compose de son adjoint, d'une équipe radio, d'une dizaine d'hommes d'escorte, combattants éprouvés, marcheurs infatigables, habitués des pistes rocailleuses et sablonneuses du Sud, entraînés à se contenter, pour toute nourriture, d'une poignée de dattes. Le poste radio est un A.N.G.R.C. 9, excellent poste, léger mais robuste, d'un emploi facile, provenant du dépôt de Zaïo, en zone espagnole, près de Nador, où se trouvent stockés une centaine d'appareils de ce type, ainsi que des P.R.C. 6 et des P.R.C. 10 fabriqués en Allemagne fédérale par Telefunken et payés rubis sur l'ongle, par l'intermédiaire de la Deutschebank de Francfort pas très regardante quant à l'origine des francs que le F.L.N. dépose à ses guichets et qu'elle accepte d'ailleurs à un taux usuraire. Ces postes doivent équiper l'A.L.N. du Maroc. A l'intérieur, seules la mintaka 8 et la région de Perrégaux disposent encore de moyens radio. Le convoi quitte Bou-Denib le 15 mars.

Profitant de la pleine lune, il parcourt rapidement, de nuit, la hamada jusqu'aux environs d'Abadla, franchit le Ghir, un filet d'eau, coupe la vallée trop fréquentée de la Zousfana, côtoie le Grand Erg pour atteindre, le 26, les pentes du djebel Béchar qui peuvent lui assurer une meilleure sécurité que le désert. Le 27, repos. Le 28 mars, à peine s'est-elle remise en route que la petite troupe est accrochée. La rencontre n'est une surprise que pour les rebelles. Le 26 au soir, par radio, Lotfi avait indiqué au P.C. de l'Ouest, à Oujda, sa position, son intention de prendre un jour de repos, puis de poursuivre son voyage le 28 mars en direction générale de Ksar-el-Azouj, dans la vallée de la Zousfana. Sitôt le télégramme déchiffré par nos services, la compagnie portée de légion a été mise en état d'alerte. A l'aube, je m'envole pour Colomb-Béchar où j'informe le commandant de la zone Ouest Sahara de la présence d'une bande rebelle dans le djebel Béchar. On l'interceptera le 28 au matin. J'indique à la compagnie de légion un premier point de rendez-vous. L'aviation doit se tenir prête à intervenir. Je tais la qualité de notre adversaire.

Le 28 mars, lorsque j'arrive en hélicoptère sur les lieux, le combat est déjà engagé. L'appareil décrit de larges cercles concentriques; aucun fuyard en vue. Nous essuyons quelques coups de feu. Nous nous posons à proximité du P.C. de la compagnie. Pour éviter de donner à l'opération une importance qui pourrait éveiller des soupçons, je porte les galons de capitaine. Lotfi et ses hommes sont encerclés. Nous récupérons les chameaux du convoi qui errent, affolés, blatérant lamentablement: sur l'un d'eux, blessé, le poste radio, que je fais mettre soigneusement à l'abri, et, trouvaille inattendue mais précieuse, une machine à écrire ... Surpris au débouché d'un ravin pavé d'éboulis, les fellaghas se sont formés en cercle. Retranchés derrière les rochers qui brillent sous le soleil, jetant d'étranges éclats mauves, ils se défendent âprement. Dans l'air d'hiver, froid et sec du désert, les balles claquent avec une résonance argentine. On se fusille à moins de cent mètres, le sable, les pierres jaillissent sous les impacts. Au porte-voix, un lieutenant crie aux rebelles de se rendre : ils auront la vie sauve et seront traités en prisonniers de guerre. Une bordée d'injures lui répond. Par longues rafales, les mitrailleuses de bord des véhicules balaient le ravin; le feu de l'adversaire est à peine moins nourri. Près de moi, un légionnaire s'écroule alors qu'il se découvrait pour prendre sa ligne de mire, une tache rouge étoile son front. "C'est le deuxième tué, et nous avons aussi cinq blessés", précise, laconique, le capitaine. "Appelez l'aviation, mais roquettes et mitrailleuses, ni bombes, ni napalm." Une demi-heure plus tard, une patrouille de T-28 surgit dans le ciel blanc. Les légionnaires jalonnent leurs positions. "C'est un mouchoir de poche, s'étonne le chef de patrouille, vous risquez des bavures. Reculez." " Pas question! on ne bouge pas, rétorque le commandant de la compagnie. On vous fait confiance." "O.K." Au premier passage, les coups s'écrasent entre les fellaghas et nous. Au second passage, légèrement en piqué, ce qui dénote une certaine audace car le T-28, vrai fer à repasser, manque dangereusement de ressource, les roquettes explosent au milieu des rebelles. Les légionnaires bondissent, les P.M. crépitent rageusement. Le feu cesse. C'est fini. On n'entend plus que le vent qui siffle, à longs sanglots, dans les touffes de doum. Vingt-deux hommes gisent dans les rochers. Photo en main, j'identifie Lotfi; il est mort, une large plaie au cou, le regard vide, un peu étonné, il étreint son arme encore chaude. Il n'y a qu'un blessé: le radio; à chacune de ses inspirations, un affreux gargouillement sort de sa poitrine, des bulles sanguinolentes viennent crever sur ses lèvres. "Il est foutu, diagnostique brièvement l'infirmier, il a une rafale dans les poumons." On récupère les armes, les munitions, les équipements, les papiers des morts. Je fais brûler leurs effets ..

Le même jour, à la préfecture de Médéa, dans le département du Titteri, au sud d'Alger, les délégués du général de Gaulle rencontraient les émissaires de la wilaya 4 pour discuter de la fin des combats.

Tous les hommes du P.C. de Lotfi disparus, sûr de la discrétion des légionnaires, me voici prêt à chausser les bottes du commandant de la wilaya 5. A Alger, seuls sont au courant le commandant en chef, deux officiers du Bureau d'études et de liaisons et quelques spécialistes des services d'écoute et de déchiffrement. A Paris, personne ... Je ne me berce pas d'illusions exagérées: mon "commandement" sera bref. Mes pouvoirs ne peuvent s'exercer que par agents de liaison interposés ou mieux, par radio. Ayant récupéré, dans sa sacoche, le cachet officiel du colonel Lofti, nous pouvons authentifier ses ordres écrits. Nous possédons du personnage une connaissance suffisante pour imiter son style et même ses fautes de syntaxe et d'orthographe... Mais commander par agents de liaison est une opération délicate. Il faut en effet s'introduire dans une chaîne d'agents dont la bonne foi ne puisse être soupçonnée. C'est un procédé hasardeux et lent. Nous le tenterons, avec un succès relatif. En revanche, grâce au code de chiffrement et à l'ordre de base des transmissions récupèré, nous pouvons entrer en liaison radio avec le colonel Slimane, qui vient de remplacer Houari Boumediene (Boumediene. l'homme qui monte, s'est vu confier le poste de chef d'état-major de l'A.L.N.; P.C. en Tunisie) au commandement de l'Ouest, à Oujda, avec les bases de la wilaya en territoire marocain à Bou-Denib, à Figuig (base 5), à Oujda (base 15) et avec Abdelghani, le chef de la mintaka 8, la seule zone disposant encore d'un poste radio. Le poste A.N.G.R.C. 9, expédié par Oujda à la région de Perrégaux par la "voie rapide", n'a pas encore pris place dans le réseau: en fait, il a mystérieusement disparu ...

La "voie rapide" de ravitaillement indique, dans le langage convenu du F.L.N., les camions des poissonniers qui, deux fois par semaine, effectuent la navette entre les ports marocains de l'Atlantique et les grandes villes d'Algérie. Profitant du passage des véhicules à Oujda, les services du F.L.N., dans des caches habilement aménagées, dissimulent des documents, des armes de poing, des poignards, de l'argent, des piles, etc. La Délégation générale, chargée de la lutte économique, se dit impuissante devant ce trafic; Paris oppose son veto aux arrêtés nécessaires: on toucherait des intérêts puissants, proches de la cour du Maroc... Les fouilles opérées, qui gâtent naturellement le poisson, transporté dans des conditions d'hygiène déplorables, suscitent de telles interventions que policiers, douaniers ou gendarmes n'y procèdent qu'avec répugnance. Les importations massives portent un préjudice certain aux modestes pêcheurs des côtes oranaises ou algéroises, mais qu'importe! Le trafic ne cessera que lorsque les camions, mystérieusement, sauteront...

Le poste radio expédié à Perrégaux est revendiqué par Mohamed, l'adjoint militaire de la wilaya voisine, celui-là même qui sera reçu en juin à l'Élysée.. Pour l'obtenir, il torturera plusieurs maquisards; en vain: on ne retrouvera jamais ce poste. Le poste radio de la wilaya 5 est maintenant installé à Alger, au centre d'écoute où des opérateurs choisis pour leur connaissance des réseaux du F.L.N. le mettront en œuvre. Chaque opérateur, en effet, possède sa frappe personnelle, ses bonnes ou mauvaises habitudes, commet toujours les mêmes erreurs de procédure, et parfois les mêmes indiscrétions, caractéristiques grâce auxquelles tout le réseau l'identifie à coup sûr. Le défunt radio de Lotfi, Abde1aziz, était un ancien élève du lycée de Rabat, appartenant à une famille de commerçants en tissus originaire d'Oran. Nous possédons sa photo: un garçon sympathique, vingt ans, cheveux châtains ondulés, la lèvre ornée d'un léger duvet, les yeux noisette fendus en amande. Son français péchait par un excès de recherche que nous devrons imiter. Il éprouvait un tendre sentiment pour Malika, une étudiante de Fès, où l'on trouve les plus belles filles du Maroc. Abdelaziz avait accompli son stage radio à Kebdani, sous la direction du commandant Omar. Il s'agit aussi de se mettre dans sa peau.

"Lotfi", fictivement, poursuit son chemin en direction des Ksour, rendant ponctuellement compte de ses étapes et de ses découvertes: le Front perd du terrain, la population se fait réticente. "J'échappe" de peu à une embuscade - réellement tendue par les "forces colonialistes", le 6 avril dans la région de Chellala-Dahrania. Les réserves du corps d'armée d'Oran et les troupes de la zone Ouest-Sahara mènent conjointement dans l'Atlas saharien une série d'opérations - "Proométhée" - qui permettent à "Lotfi" de justifier son déroutement: la région de Géryville est peu sûre, la population ne "nous" aide plus, les légionnaires sont très actifs. Légion et paras fournissent toujours un excellent prétexte, jamais discuté, pour modifier un plan, pour demeurer dans l'expectative... "Lotfi" ne se rendra pas auprès d'Abdelghani, le commandant de la mintaka 8. Celui-ci est un chef avisé, intelligent, entreprenant, probablement peu facile à abuser; je préfère l'éviter...

Par message, je lui dis ma confiance, mais la situation m'oblige à remonter vers le nord, d'urgence. Un agent de liaison lui apportera des documents émanant du G.P.R.A.: rendez-vous dans le djebel Amour. Le 20 avril, le commando envoyé par Abdelghani au-devant de l'émissaire de "Lotfi" est surpris à l'est d'Aflou, il perd 22 hommes, une mitrailleuse, 10 fusils de guerre, mais ... Abde1ghani n'était pas au rendez-vous! L'incident le rend méfiant, il accuse de trahison d'anciens bellounistes fraîchement ralliés, en exécute deux cents.

Mes comptes rendus à Slimane sont alarmants. Je le surprendrais beaucoup si je ne me plaignais pas: la ligne d'étapes est désorganisée, les merkès ne sont pas approvisionnés, les guides manquent. Je réclame de l'argent, le contraire eût beaucoup étonné le commandant de l'Ouest. On m'expédie donc plusieurs millions. La remise s'effectuera par l'intermédiaire d'un Marocain, contrôleur du chemin de fer Méditerranée-Niger. Nous échangeons les signes de reconnaissance pour nos émissaires: l'Echo d'Oran dans la main droite de l'un, la casquette de contrôleur dans la main gauche de l'autre, et les mots de passe: "Abd el lkader" et "Duc d'Aumale" ( sic). Sur le quai de la gare de Colomb Béchar, enveloppés dans du vulgaire papier-journal, quelques millions changent de mains, des millions qui grossiront la caisse du 2e bureau.

A Alger, le 23 avril 1960, le général Crépin remplace le général Challe. Je connais peu le nouveau commandant en chef, on le dit aussi rugueux au moral qu'au physique, l'esprit plus plein de mathématiques que de finesse et peu disposé, croit-on, à laisser se poursuivre les opérations peu conventionnelles du Bureau d'études et de liaisons, souvent controversées en très haut lieu. Je lui expose mon plan. Je découvre un esprit vif, curieux, compréhensif, qui m'accorde sa confiance sans barguigner.

Redevenons "Lotfi". J'alerte la base 5 à Figuig en même temps que Slimane. Il me faut des hommes, des armes, des munitions, d'urgence, faute de quoi la wilaya 5 s'effondrera. Et je donne l'ordre aux éléments qui stationnent dans les djebels marocains, en face de BeniiOunif, dans le Grouz, le Maïz, le Mela, autour d'Ich, au pied du djebel Doug, de former des unités de marche prêtes à pénétrer en Algérie, en forçant le barrage. Des guides sûrs les attendront dans le djebel Mzi pour leur faire franchir le réseau électrifié.

Le 6 mai, les légionnaires du 2e étranger et les marsouins du 8e régiment d'infanterie de marine sont au rendez-vous: "mon" premier faïlek perd 116 tués, 42 prisonniers, dont le chef de détachement, 6 armes collectives, 116 armes individuelles de guerre, un poste A.N.G.R.C.9. Le reste du détachement et "mon" deuxième faïlek, qui suivait de près, démoralisés, refluent en désordre sur le Maroc sans même aborder le barrage. Le lendemain, une caravane de munitions qui, selon mes "instructions", empruntait un itinéraire menant de Tenndrara, au Maroc, au chott ech-Chergui, par Oglat-en-Nadja, est interceptée sur les hauts plateaux, au nord-ouest de Méchéria. Rien n'en réchappe, pas un homme, pas un animal: toutes les munitions sont récupérées. Dans le Sud, pour assurer le recueil des convois qui débordent Colomb-Béchar, "Lotfi" prescrit de renforcer le djebel Béchar. Le 10 mai, un renfort franchit le réseau près de Ben-Zirag et ... tombe dans la nasse des embuscades des forces de l'ordre: 24 tués, 15 prisonniers, un fusil mitrailleur, 33 fusils perdus. Le reliquat de l'unité, 18 hommes, écœurés, repassent le barrage quelques jours plus tard, semant la panique sur les arrières, toujours plus sensibles que l'avant. Bien entendu, "Lotfi" fulmine contre ses subordonnés!

Dans le nord de la wilaya, mes ordres ont moins de succès. Introduire un agent, même porteur de documents d'apparence très authentique, dans une chaîne de liaison n'est pas chose aisée; peu d'officiers de renseignements, sur place, sont bien armés pour ce faire. Enfin, j'ai nettement surestimé la valeur de l'organisation rebelle en Oranie du Nord après le coup d'éponge passé par le plan Challe un an auparavant. Mes instructions tombent dans le vide.

Dans les mintakas touchant l'Ouarsenis, proches de la wilaya 4 où se développe un mouvement en faveur d'un cessez-le-feu, on refuse d'exécuter les ordres de "Lotfi" sous prétexte qu'abandonnés par les chefs de la wilaya 5, on obéit depuis longtemps à la wilaya voisine. Sans oser l'avouer, on attend, en réalité, la fin des combats. Ma vie, décidément, se complique: je ne puis, en tant que Lotfi, obtenir une obéissance que j'ai contribué à saper comme chef du Bureau d'études et de liaisons en introduisant la "bleuite" dans l'Ouarsenis ... Dans les autres régions: Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, Mascara, Saïda, il n'y a plus de responsables sérieux pour encadrer ce qui reste de combattants et d'organisations politico-administratives. Mon commandement se rétrécit; je n'en suis pas mécontent car j'ai d'autres occupations.

Ma situation, dans la rébellion, devient inconfortable. Dans mes cantonnements marocains - j'en ai l'écho par les comptes rendus des bases - pour expliquer l'échec des tentatives de franchissement du barrage, on crie à la trahison: un argument qui est de toutes les armées du monde ... Cette série de revers ne peut manquer d'émouvoir le G.P.R.A. Or, depuis le 19 janvier, Boussouf, devenu ministre de l'Armement et des Liaisons générales (M.A.L.G.), s'est attaché à développer la branche liaisons générales et ... renseignements de son organisme grâce à quoi il exerce en Tunisie et surtout au Maroc, peuplé de ses partisans, une surveillance de plus en plus soupçonneuse. Son service de renseignements comporte: un service de recherche par agents et par écoutes radio, écoutes montées avec l'aide de techniciens américains et ouest allemands, encore embryonnaires, mais susceptibles de perfectionnement, et un service de contre-espionnage, appelé "Vigilance et Contre-renseignement", dont les agents sont discrètement formés à Nador, en zone espagnole par des instructeurs est-allemands. L'espionnite, sournoisement encouragée par nous, sévit et la répression également. "Vigilance et Contre-renseignement" procède à l'interrogatoire "poussé" de quelques transfuges récents, d'anciens messalistes, des suspects tout trouvés. Ils avouent! Sous les tortures les plus effroyables ils avoueraient n'importe quoi. On liquide traîtres et espions. Je félicite les épurateurs ...

Mais Oujda prie "Lotfi" d'enquêter aussi dans son entourage. Les combattants n'ont-ils pas été touchés par les rumeurs qui courent dans la wilaya voisine? On est en pleine affaire Si Salah; la wilaya 4 n'est plus sûre. Sans dévoiler dans son ampleur l'inquiétude du G.P.R.A., Slimane invite "Lotfi" à la prudence, lui recommandant de quitter le Sersou - où il est censé tenir son P.C. - pour rejoindre la zone 8. Bien entendu, "Lotfi" tergiverse, la fiction d'une cohabitation avec Abdellghani est impossible à maintenir. Celui-ci rendrait compte que je l'évite. Nous sommes au dernier acte. Le rôle du radio est de plus en plus difficile à tenir. Les échanges avec le P.C. de Slimane se doublent de vacations plus ou moins régulières avec les bases arrière et avec Abdelghani. Beaucoup de ces liaisons sont de simple routine. La lecture, depuis près de trois ans, des messages de l'adversaire m'a appris que les exigences, sur le plan opérationnel, d'un commandant de wilaya doivent être modérées et, en tout cas, jamais précises. Je recommande le redoublement des activités en même temps que la dispersion des unités, je diffuse des encouragements, des promesses; je reprends sans vergogne, en les démarquant à peine, les appels de la "Voix des Arabes" du Caire et des radios frères de Tunis, de Rabat, de Tanger. J'hésite à ordonner de nouveaux franchissements de la frontière, je ne serais pas obéi. Mes comptes rendus témoignent des soucis habituels d'un chef qui se débat dans les difficultés d'un maquis: la population est lasse de la guerre, mais ... reste confiante dans la victoire du Front; les combattants souffrent beaucoup, mais ... conservent leur enthousiasme; il y a beaucoup de traîtres à éliminer, messalistes, bellouunistes, zianistes ... Je profite de ma situation pour me faire rendre compte, par les subordonnés que je peux toucher, des sentiments des autorités, des notabilités à l'égard de la révolution. Quelques réponses me parviennent, les unes rassurantes, les autres affligeantes: la liste des cotisants de la région de Mascara est tristement édifiante; M. M ... , sous-préfet de X ... , est bien disposé pour "nous", ses services fournissent des laissez-passer pour les agents de liaison et de fausses cartes d'identité pour les frères recherchés par la police; les jésuites de P ... hébergent et soignent les combattants blessés ou malades ... Je réclame encore de l'argent: Slimane fait la sourde oreille. J'insiste pour que les commandants des mintakas, actuellement au Maroc, rejoignent enfin leurs zones, trop longtemps gérées aux initiatives de leurs subordonnés. Un P.C. de mintaka en transit dans la région de Sebdou sera ainsi surpris et anéanti, en juillet.

"Vigilance et Contre-renseignement" éprouve-t-il des soupçons? Oujda engage avec notre radio, en clair, des conversations anodines. Cette infraction aux règles de sécurité nous alerte. L'opérateur du P.C. de l'Ouest donne à "Abdelaziz" des nouvelles de Malika... Connaissant assez bien Malika, nous nous en tirons, mais de justesse. Puis on évoque le stage de Kebdani; rien ne va plus, nous nous coupons, dans les dates, dans les noms ...

Une bordée d'injures nous répond; on nous maudit jusqu'à la dernière génération; on nous voue aux derniers outrages... Cette fois, l'opération m " Lotfi " est bel et bien terminée ...



Général JACQUIN (C.R.) raconte cet exploit dans Historia magazine numéro 317, série spéciale "guerre d'algérie".
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